21.02.2022

« Les problématiques tournent autour de personnalités »

Le parti Leader Fanilo reflète souvent un exemple pour son sérieux et son engagement. Son secrétaire général, Erick Rabeharisoa, partage son point de vue sur la manière de faire de la politique à Madagascar.

Fondé en 1992, le parti Leader Fanilo reflète souvent un exemple pour son sérieux et son engagement. Son secrétaire général, Erick Rabeharisoa, partage son point de vue sur la manière de faire de la politique à Madagascar. Il déplore notamment l’absence d’éthique.

L’éthique politique est l’un des héritages laissés par Herizo Razafimahaleo. De quoi s’agit-il concrètement ?

Erick Rabeharisoa (E.R.) : Je vais faire une brève rétrospective. Madagascar a respiré le vent de la démocratie au début des années 1990. Des partis historiques ont commencé à dominer l’échiquier politique et les Malgaches ont commencé à s’intéresser au pluralisme politique. Dès lors, les partis politiques ont poussé comme des champignons. Plus de 350 partis étaient enregistrés au ministère de l’Intérieur. Cependant, une grande partie est dépourvue de bases militantes. Devant ce constat, Herizo Razafimahaleo a réuni à Mahamasina tous les partis politiques. Il a proposé qu’ils se regroupent selon les courants politiques pour que le peuple puisse se retrouver dans des projets de société et des idéologies.

A-t-il été suivi dans cette démarche ?

E.R. : En réalité, la mayonnaise n’a pas pris. Les politiciens sont habitués à s’abriter derrière des partis composés de membres de la famille, des gens issus de la même origine, de quelques amis, pour en constituer un réseau de factions. Nous avons assisté à la politisation de l’Administration. Cette pratique a détruit ce pays. L’Administration a pris la couleur politique du parti au pouvoir. Il en est de même pour les bâtiments administratifs. Les fonctionnaires doivent se plier aux orientations politiques des tenants du pouvoir. Les régimes qui se sont succédé se sont servis de ce modèle. C’est une manifestation concrète de l’absence de l’éthique politique. Cette dernière désigne une réflexion argumentée en vue du bien agir. Elle s’interroge sur les valeurs morales et les principes moraux qui devaient orienter nos actions. À travers l’éthique, l’objectif est le bien du peuple. L’éthique politique est la manière de maîtriser le contexte et de le vivre ensemble avec la loi comme balise pour gouverner la société. Sans cela, l’acheminement est, soit la dictature, soit l’anarchie.

Pour le Leader Fanilo, à quoi rime l’éthique politique ?

E.R. : Herizo Razafimahaleo a été le premier politicien à démissionner d’un gouvernement. La politique du gouvernement de l’époque était en désaccord avec les principes du parti. Des ministres ont refusé de démissionner. Il les a exclus du Leader Fanilo. Ce sont des exemples pour illustrer cette éthique politique. Ainsi, le règlement intérieur du parti, porté par un bureau national, un bureau de coordination, un conseil de sages et un conseil de discipline, interdit les décisions unilatérales. Il faut suivre toutes les étapes.

À partir de cette définition, quelle lecture faites-vous sur la manière de faire de la politique à Madagascar ?

E.R. : La scène politique est encore dominée par le duel entre Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana. Pendant la Transition, le “ni…ni ” – censé mettre un terme à ce conflit – n’a pas eu l’effect escompté, car la rivalité revient en force actuellement. La majorité qui était au départ le parti Tanora malagasy vonona (TGV) est devenue le Miaraka amin’i Prezidà Andry Rajoelina (Mapar), Isika rehetra miaraka amin’i Andry Rajoelina (IRD) puis Isika rehetra miaraka amin’i Andry Rajoelina kaominaly (IRK). Cela veut dire que c’est un patchwork de petites équipes ethniques, d’intérêts personnels et de partenaires de business. Nous retrouvons la même configuration du côté de l’opposition. Les problématiques de la politique à Madagascar tournent souvent autour de personnalités. Ainsi, le peuple perd ses repères. Les vrais partis politiques faisant vraiment de la politique ont disparu. La politique, dans sa définition première, a cédé la place au culte de personnalité, à un groupement d’intérêts, au lobby, au favoritisme et à l’argent.

Vous dressez un constat assez sombre de la classe politique…

E.R. : La classe politique est vieillissante et les partis ont du mal à assurer la relève, d’autant plus qu’il n’y a pas d’éducation politique. Par ailleurs, les acteurs politiques sont trop concentrés dans leurs petits jardins. Ils n’osent pas se présenter devant la scène. Les affaires et la politique se mélangent. L’opposition tergiverse dans la critique systématique des actions du régime et oublie les questions de fond.

Quelles sont ces questions de fond sur lesquelles l’opposition devrait plancher ?

E.R. : Elle passe à côté des débats de fond. Par exemple, la Constitution, la durée des mandats, le conflit interne latent… Concernant la loi fondamentale, il est important de se concentrer sur la décentralisation, un concept cher au Leader Fanilo. Cela requiert de la volonté politique, car l’État doit accepter de renoncer à une grande partie de son pouvoir. Le prix de la vanille ne doit pas se décider à Antananarivo.

Pourquoi devrait-on, par exemple, débattre spécifiquement sur la durée du mandat du président de la République ?

E.R. : C’est une source d’instabilité. Le mandat de cinq ans est trop court, mais deux mandats sont trop longs. Est-ce qu’il ne faudrait pas ramener le mandat du président de la République à sept ans non renouvelables ? Quelles que soient les capacités des dirigeants, un mandat de cinq ans est trop court. Pourquoi ? Les négociations avec les bailleurs de fonds prennent au minimum trois ans. Le processus inclut les études techniques, les évaluations et les étapes de validation. Telle est la logique des projets. Donc, les débats sur qui a pu décrocher le financement, ou qui a mis en œuvre le chantier de la Rocade Est sont inutiles. Comme je l’ai souligné, les problématiques de la politique à Madagascar tournent bien souvent autour de personnalités. En guise d’illustration, la gare routière à Ambohimanambola est laissée en friche. Ce n’est pas de la politique, cela relève de l’égoïsme et ne suit pas l’éthique de la continuité de l’État. Une nouvelle administration doit continuer les actions de son prédécesseur. Il y aura des inaugurations, de nouveaux projets, des projets similaires à ceux de son prédécesseur, mais en tant que pouvoir en place, il faut le réaliser.

Pourquoi l’opposition semble-t-elle inaudible ?

E.R. : Les journalistes y ont une part de responsabilité, à cause des felaka. Ils doivent aussi suivre les lignes éditoriales des patrons de presse. Dès que Andry Rajoelina a accédé au pouvoir, il a accaparé la voix de tous les médias : télévision, radio, Facebook avec les armées de comptes fake… De l’autre côté, certains politiciens ne sont que des “chefs de village”. Ils se contentent de petite gestion des affaires quotidiennes sans se concerter, cela transparaît clairement dans les débats télévisés.

Dans la configuration actuelle, quel est le positionnement du Leader Fanilo ?

E.R. : Un parti politique cherche à avoir le pouvoir, mais il faut réfléchir aux règles du jeu. Le pouvoir n’est pas une fin en soi. Lors des dernières législatives, le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation (MID) ne nous a pas donné le récépissé qui nous aurait permis de déposer notre candidature. À ce moment, les partis devaient s’enregistrer auprès du MID pour que leur existence soit reconnue officiellement. Chaque année, nous avons soumis nos rapports d’activités. Le MID délivre par la suite un certificat de reconnaissance. À ce moment-là, une figure a eu lieu en interne entre les historiques du parti, Rabesa Zafera et Manassé Esoavelomandroso, et le nouveau bureau élu lors du congrès d’Ambositra.

Au moment de déposer notre candidature, j’ai consulté la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour leur exposer notre situation. On nous a autorisés à déposer nos candidatures, mais au dernier moment, le MID a ordonné à toutes les structures déconcentrées de refuser les dossiers du Leader Fanilo. Cela nous a déstabilisés. Au dernier moment, nous avons dû chercher des candidats indépendants qui allaient porter le flambeau du Leader Fanilo pour Antananarivo. Cela nous a porté préjudice. Le parti n’a plus de représentants à l’Assemblée nationale. Mais il ne faut pas oublier que dans cette législature, nombreux sont les députés qui étaient d’anciens Leader Fanilo.

Quel sera donc le positionnement du parti pour 2023 ?

E.R. : Nous n’aurons pas de candidats, car nous n’avons pas d’élus. Nous choisissons de soutenir un candidat après mûres réflexions.

Est-ce que vous ne payez pas le fait d’avoir intégré l’administration Hery Rajaonarimampianina ?

E.R. : En politique, l’important est d’avoir une influence. Je suis sûr que plus le temps passera, plus nous aurons de l’influence. Le Leader Fanilo a toujours été une école et cela est notre fierté.

L'opposition: Le grand vide.

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