21.02.2022

« La conviction, notre principal atout »

Fetra Ralambozafimbololona évoque sans retenue l’état des lieux, les stratégies et les perspectives de son parti TIM.

L’une des figures de proue de l’opposition, le Tiako i Madagasikara (Tim), à travers le député Fetra Ralambozafimbololona, élu au cinquième arrondissement d’Antananarivo Renivohitra évoque sans retenue l’état des lieux, les stratégies et les perspectives de son parti.

Cela fait trois ans que le régime est en place, cela fait trois ans aussi que vous leur faites face ? Où en est le Tim actuellement ?

Andriantsivoafetra Ralambozafimbololona Razafitsimialona (A.R.R) : Nous procédons actuellement à la redynamisation du parti. Nous multiplions les échanges avec nos militants et nos partisans dans les différentes régions de Madagascar. Nous avons remis de l’ordre, évalué le leadership des chefs de file à tous les niveaux et mis en place de nouveaux membres de bureau pour ceux qui n’en ont pas. Je peux dire que le Tim est le parti le plus structuré à Madagascar et c’est un atout à considérer. Ainsi, nous sommes convaincus que le Tim est en pleine forme. Par ailleurs, nous tirons aussi notre force de l’incompétence et de l’inefficacité du régime en place collectionnant les échecs, aussi bien dans les discours que dans les actions. Bref, le Tim est actuellement au mieux de sa forme.

Vous avez dit que votre parti est fort. Pourtant, lors des derniers scrutins, vous avez été évincé dans la plupart de vos fiefs. Comment l’expliquez-vous ?

A.R.R. : Il y a deux raisons. J’ai personnellement mené des investigations dans nos fiefs à Alaotra mangoro, Menabe et une partie de Betsiboka et de la Sofia. La première raison tient des manigances des tenants du pouvoir qui ne sont pas forcément ceux du régime actuel pour rayer délibérément de la liste électorale nos partisans et ceux qui sont susceptibles de voter pour nous. À Antsirabe et à Toliara, il nous a été rapporté qui y a eu des interversions des résultats des élections et des bourrages d’urnes. Je vous partage, par exemple, le cas d’un bureau de vote où il y avait 700 inscrits. Non seulement ces 700 personnes ont toutes voté, ce qui est impossible, mais ce qui est édifiant est que nos adversaires ont eu plus de voix que le nombre d’inscrits.

Si c’est si flagrant, pourquoi aviez-vous accepté cela ?

A.R.R. : Nous avons déposé des requêtes à la Haute cour constitutionnelle (HCC) avec des preuves à l’appui. Nous avons également dénoncé ces manœuvres frauduleuses à travers la presse, mais il n’ya pas eu de suite. Après avoir épuisé tous ces recours, Marc Ravalomanana a préféré se taire et reconnaître la victoire d’Andry Rajoelina pour éviter un bain de sang. Cette posture n’a pas plu à ses partisans, mais nous pensons qu’il est indécent de mobiliser nos partisans pour affronter les forces de l’ordre. Nous n’allons plus accepter cela.

De l’extérieur, l’on sent des tensions internes au sein du Tim…

A.R.R. : Ce n’est pas faux. La discipline du parti et le charisme du président fondateur constituent le ciment qui nous lie. L’adhésion à ce parti n’est pas conditionnée par l’argent, ce qui le différencie des autres. Toutefois, chaque individu est différent, selon son éducation et son parcours. Certains n’ont pensé qu’à leurs intérêts personnels. Les conflits de leadership subsistent, car des gens prennent des initiatives pour recevoir la sympathie du président. Mais c’est un fait récurrent dans la vie associative. La recherche de l’intérêt personnel a primé sur l’intérêt collectif. Vous avez raison, un de nos députés a été déchu, car il a transgressé la discipline du Tim. Les autres ont quitté le parti, car ils n’ont pas apprécié les principes démocratiques au sein du parti. Actuellement, il n’y a plus du parachutage, chaque candidat doit être issu du résultat des primaires.

Dans cette foulée, à Antananarivo Renivohitra, le Tim peut se targuer d’avoir 25 conseillers municipaux et l’IRD 25. Pourquoi le maire s’en sort à chaque délibération alors que le rapport de force est potentiellement en faveur du bloc de l’opposition ?

A.R.R : Tout le monde sait que le régime actuel est habile dans l’achat de vote. Ils ont profité d’une faille du règlement interne qui dispose que la délibération peut être faite par vote secret si le quart des conseillers municipaux le demande, ce que l’Exécutif municipal a fait de manière systématique alors que la procédure devrait être exceptionnelle, par exemple, lors du vote pour la désignation d’un conseiller. Je le dis : des conseillers ont été « achetés » par le maire et le président du conseil municipal. C’est ce qui rend la délibération par vote secret systématique. Le Tim est un parti discipliné. Il n’est pas un refuge pour les corrompus.

Vous êtes membre du RMDM, et du groupe Panorama. Est-ce que vous n’avez pas suffisamment confiance en vous pour une aventure en solo ?

A.R.R : Le Tim dispose, à lui seul, de 16 députés à l’Assemblée nationale. La plateforme IRD est un panier de crabes qui regroupe des individus motivés par des intérêts. Le Tim a confiance en lui mais, des fois, quand le contexte l’exige, il faut s’allier avec d’autres forces. Par exemple, lors de nos revendications pour contester la désignation des membres de la HCC et ceux de la Commission électorale nationale indépendante, il a fait bloc derrière un mouvement.

Donc vous allez faire cavalier seul en 2023 ?

A.R.R : Je suis sûr que le candidat proposé par le Tim sera soutenu par le RMDM, mais le groupe Panorama peut aussi avoir son propre candidat.

Est-ce que c’est déjà une réponse à l’appel de Rivo Rakotovao ?

A.R.R : Je ne peux pas parler au nom du Tim, ni du groupe parlementaire, même si je suis membre du bureau politique. Personnellement, si cet appel est sincère, nous ne voulons pas refuser mais il faut réfléchir sur la manière de choisir le candidat unique. Mais dans ma logique, je pense que c’est notre candidat qui dispose des chances et des atouts pour faire face au candidat du régime actuel.

À la lumière de votre réponse, Marc Ravalomanana sera-t-il candidat en 2023 ? Quelle sera votre stratégie ?

A.R.R : Au début de cette année, nous avons dressé un état des lieux et analysé le contexte. Nous avons tiré des leçons de ce qui s’est passé en 2018 et 2019. Nous avons également évalué comment sont nos adversaires politiques. Quelles sont nos failles ? Quelles sont les structures de recours ? Ainsi, notre stratégie consiste à encourager les citoyens à s’inscrire et à vérifier leurs noms dans la liste électorale pendant la révision annuelle de la liste électorale. Ensuite, nous allons les encourager à voter pour faire augmenter le taux de participation dans les fiefs de Marc Ravalomananana afin de laisser peu de place aux fraudes électorales. Nous allons également partager notre projet de société dans sa globalité et les détails viendront au fur et à mesure.

Quelles sont vos chances étant donné que rien n’a changé depuis 2018 ?

A.R.R : Il est vrai que nous aurons un candidat d’État comme adversaire. L’une des résolutions du RMDM des 21 et 22 juillet 2021 réclame la dissolution de la HCC et la Ceni dans leur configuration actuelle. En effet, parmi les membres, il y a le mari d’un ministre, la femme du secrétaire général de la présidence, un journaliste fidèle allié d’Andry Rajoelina… Un ou deux membres pourraient avoir leur indépendance, mais ils seront minoritaires. Ainsi, l’opposition exige que l’arbitre soit neutre et accepté par tous. Nous avons réclamé un accord politique qui a une valeur supra judiciaire. Toutefois, la conviction de nos partisans constitue notre principal atout. Nous ne nous laisserons plus faire cette fois-ci et nous travaillons dans ce sens. Par ailleurs, les maladresses et les promesses non tenues de ce régime et la manière de gouverner ne sont pas en faveur de Andry Rajoelina.

Marc Ravalomanana a plus de 70 ans actuellement. Comment le Tim prépare-t-il la relève ?

A.R.R : C’est la même situation pour tous les partis politiques à Madagascar. Qui a pensé aux relèves ? Norbert Ratsirahonana est encore omniprésent pour la formation Asa vita no ifampitsarana (Avi), par exemple. Pour le Tim, cela arrivera au moment voulu, mais actuellement, nous pensons qu’il faut une éducation politique. Notre idéologie se base sur la démocratie chrétienne, mais nous n’excluons pas d’autres religions. Sur l’échiquier politique, nous nous définissons comme des centristes. Nous respectons les principes démocratiques. Quand le moment sera venu de désigner le successeur de Marc Ravalomanana, nous n’aurons pas de difficultés à trouver une relève. Nous avons beaucoup de compétences. Nous avons un bureau politique, des membres actifs et des sympathisants. Il y aura des relèves, mais cela dépend de la décision du congrès, des discussions internes, des négociations, des plaidoyers. Mais aujourd’hui, nous pensons que Marc Ravalomanana constitue le ciment du Tim. Il a encore tant à nous apprendre. Soyons réalistes : avec son charisme, sa personnalité, ses aspirations, son patriotisme, il sera difficile de le succéder.

L'opposition: Le grand vide.

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