21.02.2022

Une décentralisation ban(c)ale

Madagascar compte désormais 23 régions. Une promesse de campagne que le Président a tenu à honorer. Une occasion de faire un bilan sur les collectivités territoriales, toujours chancelantes.

La date du 7 octobre 2021 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire de la territorialisation de Madagascar. Ce jour-là, le président de la République a officiellement mis en place à Mananjary, le chef-lieu de Vatovavy, la 23e région de Madagascar, en grande pompe. Et ce, après la promulgation de la loi y afférente le 11 août 2021.

Nouveau découpage

« L’institutionnalisation de la région de Vatovavy comme étant une région à part entière honore la promesse que j’ai faite devant la population et les notables de cette région durant ma campagne électorale », avait argué Andry Rajoelina devant une foule conquise. Désormais, Vatovavy et Fitovinany seront indépendantes l’une de l’autre, après des années de bataille fratricide. Vatovavy est composée des districts de Nosy Varika, Ifanadiana et Mananjary, tandis que Fitovinany des districts d’Ikongo, Manakara et Vohipeno. Un nouveau découpage territorial qui, espérons-le, apportera une nouvelle dynamique au développement du pays. Le député Brunelle Razafitsiandraofa, élu dans la circonscription de l’Ikongo sous les couleurs de Isika rehetra miaraka amin’i Andry Rajoelina (IRD), n’est pas forcément de cet avis. Il a publiquement critiqué ce nouveau découpage. Selon lui, son district ne devrait pas être séparé de Mananjary. « J’ose espérer que cette décision n’a rien à avoir avec l’exploitation aurifère dans le district de Mananjary. D’aucuns savent que nous ne laisserions jamais les richesses dans notre région se faire piller », exprime-t-il avec regrets.

Malgré cette avancée dans la décentralisation, la politique demeure illisible et ne fait guère avancer la cause de la décentralisation. « Actuellement, les régions ne bénéficient que de deux milliards d’ariary de budget de fonctionnement. Mais que représente cette somme par rapport à ce qui est à faire dans chaque localité ? », s’insurge le parlementaire. Le nouveau découpage administratif qui a concerné sa circonscription ne l’a absolument pas satisfait. « Depuis le mois d’octobre, nous n’avons pas vu le moindre changement au niveau de notre district. Ikongo n’a bénéficié d’aucun geste témoignant d’une volonté de développement de la part du nouveau gouverneur », déplore-t-il. Situation qui témoigne, selon lui, de l’inefficacité de cette décision prise de manière unilatérale.

Attributions des régions

Selon la Constitution, les régions constituent, avec les provinces et les communes, les Collectivités territoriales décentralisées (CTD) et assurent le développement économique et social de l’ensemble de leur territoire. « Mais il semblerait que les gouverneurs des régions ne remplissent pas ces tâches correctement. La raison étant qu’en tant que personnes nommées, et non élues, elles ne peuvent et n’osent pas prendre des initiatives dans ce sens », fait remarquer Arsène Rabarison, un enseignant en sciences politiques et spécialiste de la décentralisation et de la territorialisation. Selon lui, mis à part le découpage, la question de moyens est primordiale (voir encadré). « Le plus efficace dans le découpage territorial est de regrouper les spécificités agroécologiques des régions. De cette manière, les filières et les productions détermineront la délimitation des régions, indique Arsène Rabarison. Ce n’est pas le nombre des régions qui importe. Le plus important est de savoir quels seront les moyens pour faire fonctionner ces territoires. À mon avis – et dans le fonctionnement actuel des régions – l’État n’accorde pas autant d’importance qu’il n’est prétendue aux régions ».

« Si nous voulons que le pays progresse de manière égale, il faut donner une même chance à tous les territoires », a lancé le président de la République lors de l’installation officielle de la 23e région. Chaque région s’est effectivement vue dotée d’un budget de deux milliards d’ariary. Bien peu au goût du parlementaire élu à Ikongo qui a avoué ne pas avoir voté le budget institué par la Loi de finances pour l’année 2022. « Ce budget témoigne de la volonté de l’État à faire du centralisme budgétaire. D’ailleurs, nous pouvons remarquer que l’administration centrale bénéficie d’une très grande partie des allocations financières de l’État », martèle-t-il. « Il existe des régions qui sont déjà bien avancées, il y en a où tout est encore à faire. Dans ce cas, il ne faut pas parler d’égalité, mais d’équité », indique dans ce sens Adrien Ramarolahy, un citoyen passionné de politique. Il n’hésite pas à lancer que l’État devrait allouer plus de budget aux régions qui enregistrent du retard en termes de développement. D’autant plus que la Constitution dispose que « (…) des mesures spéciales sont prises en faveur des zones les moins avancées (…) ».

De l’équité des régions

Lahimaro Soja Tsimandilatse, gouverneur de la région d’Androy, – une région particulièrement en difficulté (voir notre numéro spécial changement climatique) – reconnaît que le budget entre ses mains ne permet pas de couvrir tous les projets de sa région, handicapée par la récurrence de la sécheresse, mais il s’appuie davantage sur le gouvernement. « Nous avons élaboré dernièrement le Plan émergence Sud. Le gouvernement sait ce que nous attendons de lui et s’attèle à apporter des solutions à nos problèmes à travers la mise en œuvre de ce plan », avance-t-il convaincu.

Les avis tendent de plus en plus vers l’autonomisation des régions. « L’autonomisation consiste à laisser à chaque région la latitude pour gérer leur territoire, leur recette, leur projet et chaque volet du développement. Dans cette configuration, l’État central n’aura plus autant d’emprise sur les élus territoriaux. Le développement de chaque région dépendra de l’efficacité de leurs élus et non de la couleur et de l’affinité politique de leurs dirigeants. De cette façon, plus aucune région ne sera oubliée ni prise en otage par une politique malsaine », soutient Adrien Ramarolahy. Un constat partagé par de nombreuses formations politiques.

L'opposition: Le grand vide.

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