Donak’Afon’ny TAnora : Pour une décentralisation effective, le tour de la question à Manakara
Cette conférence-débat a vu la participation d’acteurs issus d’horizons différents : Paulin Ramara, maire de Manakara, Feno Razafinome, Directeur de la Trésorerie de Manakara, Johnny Lemriss Ranaivoarison, économiste et technicien territorial auprès du ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire, et Fara Robson, coordonnatrice du PIP (Performance Improvement Plan) sur la Décentralisation et Territorialisation des Politiques Publiques du PNUD.
Cette occasion a permis de discuter de la réalité de la mise en oeuvre du Plan National de Décentralisation Emergente (PNDE) dans un pays où la décentralisation reste un défi majeur à relever. Les enjeux et défis ont été évoqués à travers les témoignages et partage d’expériences mais des pistes de réflexion et de solutions se dessinent également à travers les discussions et les échanges avec le public.
Dans son intervention, le maire de Manakara, Paulin Ramara, souligne l’importance de la décentralisation et les retombées positives qu’une commune comme Manakara pourrait en bénéficier. Il n’a pas manqué de relever les défis auxquels il est confronté au quotidien notamment l’absence d’autonomie en termes de pouvoir, la dépendance encore importante de la commune vis-à-vis de l’Etat, sans parler de la gabegie au niveau des fokontany et l’interférence des décisions politiques dans la gestion de la commune.
“La décentralisation n’est pas encore effective car dans la pratique, la commune n’est pas encore décentralisée au sens propre du terme car elle ne peut même pas se permettre de faire des investissements. Les subventions viennent de l’Etat central et il détermine les projets d’infrastructures à mettre en œuvre. De plus, la majorité des citoyens ne paient pas d’impôts qui constituent la grande partie des ressources de la commune lesquelles pourraient être mobilisées pour financer des projets de développement. Il faut reconnaître qu’il est encore très difficile de mobiliser les citoyens à payer les impôts alors que la Commune ne peut pas se contenter des subventions que l’Etat lui accorde” regrette le premier magistrat de la ville de Manakara.
Johnny Lemriss Ranaivoarison, économiste et technicien territorial auprès du ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire, quant à lui, a rappelé que la décentralisation requiert un transfert de compétences et de ressources. Il a livré une analyse de ce statu quo dans la mise en œuvre de la décentralisation à Madagascar.
“ La mise en oeuvre de la décentralisation à Madagascar reste un problème majeur à cause de l’empiètement des pouvoirs des Structures Territoires Déconcentrés (STD) et des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD). Le manque de compétences dans la gestion budgétaire et de l’administration des CTD est généralement évoqué. Ce problème devient par la suite un instrument de pression que les STD exercent sur les maires” critique cet expert en intelligence économique et prospective des territoires.
Le Directeur de la Trésorerie de Manakara, Feno Razafinome, a fait un survol du cadre réglementaire de la décentralisation notamment les lois qui régissent les CTD et les finances publiques mais aussi celles relatives aux ressources des CTD. Il a souligné que les communes sont les seules structures à avoir rempli les conditions requises par les lois déterminant le statut des CTD comme les régions sont dirigées par des personnes qui ne sont pas des élues.
Il a soulevé de nombreux problèmes qui constituent un frein à la mise en œuvre de la décentralisation. Il s’agit entre autres de la déficience des moyens financiers alloués aux communes. La commune de Manakara reçoit le Fonds de Développement Local (FDL) d’un montant de 30 millions d’ariary comme budget de fonctionnement. Il a aussi relevé la nécessaire révision des lois qui régissent les procédures de décaissement des fonds des CTD pour rendre sa disponibilité plus régulière. Le renforcement de capacité sur les finances publiques est encore une fois identifié comme un besoin réel sans oublier le manque d’un programme de développement répondant aux aspirations des citoyens.
Fara Robson, coordinatrice du PIP (Performance Improvement Plan) sur la Décentralisation et Territorialisation des Politiques Publiques du PNUD, a rappelé l’existence du Plan National de Décentralisation Émergente (PNDE) qui détaille les défis et les solutions déjà identifiés à l’issue d’une large consultation en 2023. L’occasion lui a permis de porter à la connaissance du grand public l’existence de ce document, disponible et téléchargeable en ligne.
Elle a rappelé que le PNDE, avec ses 164 actions, fait de la décentralisation le moteur de l’émergence à Madagascar. Le plan a été conçu par des acteurs étatiques, de la société civile et des techniciens. « Elle a été concrétisée à travers l’adoption de la Lettre de Politique
de Décentralisation Emergente (LPDE) validée par la loi n°2021-011 du 18 août 2021. Dans cette optique, la LPDE ambitionne qu’en 2030 la décentralisation est effective à Madagascar à travers des CTD autonomes et responsables du développement de territoires viables, dans le cadre d’une gouvernance fondée sur la territorialisation des politiques publiques afin d’assurer l’émergence socio-économique durable de la nation et de tout le territoire » a-t-elle précisé.
Après avoir évoqué les objectifs à atteindre pour 2030 notamment le pourcentage du budget transféré aux CTD qui passera de 2% à 15-20%, le taux moyen de recouvrement des impôts locaux qui passera de 20 à 60%, la Moyenne Nationale de l’Indice de Gouvernance Locale (IGL), de 4/10 à 7/10, “ autant d’indicateurs positifs qui démontrent que le PNDE n’est plus seulement au stade d’un simple projet mais des stratégies efficientes qui cadrent aux normes internationales et contribueront à l’atteinte des Objectifs Millénaire pour le Développement - horizon 20230 (OMD 2030)”, conclut Fara Robson, optimiste.
Les panélistes se sont accordés à la fin de la conférence-débat que la transparence doit être au cœur de toutes les actions aussi bien dans la gestion financière qu’administrative. La redevabilité des élus notamment des maires pourrait être une source de motivation pour les citoyens à s’acquitter de leur devoir civique, payer les impôts, sans oublier la nécessaire non-interférence des décisions politiques dans la gestion des CTD. Des échanges avec le public ont clôturé la conférence-débat.
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