Monday, 18.10.2021 - Thursday, 21.10.2021

Justice environnementale : Un immense défi à relever

Entre le 18 et 20 octobre 2021, un dialogue à haut niveau à permit une discussion autour de la justice administrative et la protection de l’environnement.

« Justice administrative et Environnement ». Ainsi a été intitulé le colloque international qui s’est déroulé au Novotel Convention  Alarobia, Antananarivo, du 18 au 21 octobre. L’événement de haut niveau placé sous le patronage du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Ministre de l’Environnement et du Développement Durable et du Conseil d’Etat de Madagascar était organisé par l’Association Nationale pour la Justice Administrative (ANJA) et a bénéficié de l’appui financier de la Friedrich-Ebert-Stiftung.

Justice Administrative et Environnement

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Le dialogue multi-acteurs a cherché à développer des solutions pour une transformation socio-écologique en vertu de laquelle le juge administratif a un rôle crucial à jouer dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.  Dix-huit interventions ont ponctué les trois journées durant lesquelles des experts nationaux et internationaux se sont succédés pour animer les échanges. Le colloque a pu bénéficier de la participation d’une délégation de la République arabe d’Egypte ainsi que des de nombreux experts nationaux et internationaux, dont le Vice-président du Tribunal International pour le Droit de la Mer. Une série d’allocutions a marqué la cérémonie d’ouverture du colloque.

Les « enjeux de la justice environnementale » et « les instruments juridiques internationaux en matière environnementale » ont alimenté les discussions le premier jour. Depuis son apparition aux Etats-Unis au début des années 1980, la justice environnementale change de visage à travers le temps et l’espace. Les réalités du changement climatique et du déclin environnemental lui donnent aujourd’hui une dimension globale. Les Conventions et Traités internationaux ont pour vocation de gérer les situations globales, régionales, nationales et locales, d’où la légitimité des interventions des organismes onusiens, des bailleurs et des ONG qui posent parfois des questions au niveau de la souveraineté nationale. Ailleurs, les organismes comme Green Peace ou Amnesty International observent de près les prédateurs de la nature et les droits de la communauté en lien avec l’environnement.

Celles-ci se sont justement invitées aux débats au deuxième jour du colloque où les panélistes ont abordé les thèmes « investissement et environnement » et « juge administratif et environnement ». L’arsenal juridique au niveau national prend en considération les épineuses questions environnementales. Mais leur application et leur effectivité se heurtent à des obstacles multidimensionnels. L’arbitrage a tendance à protéger les investissements au détriment des intérêts communs. Les faits émergents motivés par les mutations de par le monde ne font aussi que compliquer les difficultés ressenties au niveau interne. Parfois, des groupes « éclairés » tentent des actions à des fins de réparation des dommages subis. Pourtant, le système en place impose des limites ne leur permettant pas d’aller jusqu’au bout de la démarche.

Au troisième jour, l’assistance a eu l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les expériences en matière de procès climatiques et la procédure à suivre en matière de saisine du juge administratif par rapport à la responsabilité des organismes publics vis-à-vis de l’environnement. Le nombre de litiges climatiques portés devant les tribunaux à tendance à croître. Le juge administratif dans sa prise de décision est invité à tenir compte des évidences scientifiques en sus de l’interprétation des normes juridiques à sa disposition. Il s’agit de se pencher non seulement sur les intérêts des générations présentes mais aussi sur ceux des générations futures. A Madagascar, beaucoup de questions se posent pour le juge administratif lui-même et le requérant. La création d’un référé spécial en matière environnementale et la modernisation des conditions de mise en œuvre des procédures administratives et judiciaires s’avèrent urgentes à ce propos.

La prise de conscience à l’égard de la gravité de l’état du changement climatique futur a donné naissance aux notions de « syndrome du Titanic » et de « solidarité obligée ». On est tous sur un même bateau fragile. Bon an mal an, tous les membres de l’équipage et les passagers sont obligés de coopérer pleinement pour éviter le naufrage. Le principe du « pollueur-payeur » s’y apparente. Mais le verbe se traduit parfois difficilement en actes. La sempiternelle négociation autour des fonds d’adaptation pour les pays en développement en est l’illustration ultime.

Les « bi players » veulent toujours s’en tenir à leur propre loi en défaveur de leurs vis-à-vis, faiblement armés et fragiles. Les émissions de subsistance des pauvres sont, par exemple, moins condamnables que les émissions de luxe des riches. Les pauvres gens qui coupent des arbres pour fabriquer du charbon sont blâmés voire sévèrement punis. Pourtant, les riches qui roulent en voitures rejetant beaucoup plus de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne sont pas inquiétés. Ce contraste se laisse transparaître dans les relations Nord-Sud, au niveau macro. Les niveaux méso et micro aussi sont riches en illustrations. La difficulté pour le juge administratif de trancher sur un cas qui lui est présenté est alors tout à fait compréhensible.

Les micro-gestes de la vie quotidienne comptent dans la mesure où toute action humaine comporte forcément un double aspect positif et négatif. En l’état actuel du bouleversement climatique et de la dégradation environnementale, les pauvres s’enlisent toujours davantage dans la pauvreté contrairement aux riches. Les occurrences qui en rendent compte sont légion à Madagascar. Outre l’archi-connu problème d’accès à l’eau dans les régions du Sud, le manque hydrique ou l’allongement des séquences sèches qui frappent souvent les grands bassins agricoles affectent les rendements annuels. Le plus grand questionnement à résoudre est de déterminer à quel niveau se situe la responsabilité.

L’État ou ses démembrements pourraient être mis en accusation devant les juridictions administratives pour ne pas avoir suffisamment protégé les citoyens contre les risques climatiques, entre autres raisons probables. Si un tel cas de figure se produisait au pays, il serait curieux de savoir quel organisme le fera, comment le juge administratif réagira, quelle sera la réaction des citoyens en général, quel changement pourra inspirer le traitement de l’affaire sur la prise de conscience à l’égard de l’injustice environnementale dont l’ampleur tend à croître du jour au lendemain. Somme toute, l’effectivité de la justice environnementale reste un immense défi à relever.

Un rapport du colloque sera publiée par l’Association Nationale pour la Justice Administrative (ANJA) en temps opportun.

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