Peu structurée dans l’organisation et le discours, l’opposition peine à s’imposer sur la scène politique nationale. 2021 en a été le témoin.
«Ah, ces politiciens. Les ennemis d’hier sont amis aujourd’hui ! », s’exclame Dadanaivo en lisant la une des journaux devant un kiosque à Andavamamba. C’était le lendemain d’une conférence initiée par le groupe Panorama chapeautée par le parti Hery vaovao ho an’i Madagasikara (HVM) et le député Roland Ratsiraka au Carlton, le 14 novembre 2021. Cet événement a été marqué par une poignée de main qualifiée de « réconciliation historique » entre Roland Ratsiraka et Marc Ravalomanana, devant un parterre de 400 invités et surtout les médias.
Le dédain d’un citoyen lambda comme Dadanaivo envers la politique politicienne n’est pas une réaction isolée. Essoufflée par la lutte pour sa subsistance, la population réagit à peine aux affaires nationales comme le témoigne la dégringolade du taux de participation aux élections en 2018 et en 2019 qui avoisine les 30%. En dehors des scrutins, le désintérêt des citoyens à la politique est optimal. L’arène est ainsi ouverte pour les tenants du pouvoir et les opposants.
Par analogie, la situation politique à Madagascar est semblable au jeu télévisé « Tout le monde veut prendre sa place ». Le tenant du titre, confortablement installé sur un fauteuil, attend le meilleur de ses concurrents pour se mesurer à lui. Ainsi, les autres candidats répondent à des questions de culture générale pour devenir ce challenger et affronter le champion en titre en vue de lui prendre sa place. Bien que leur objectif soit le même, celui d’éliminer le tenant du titre, les candidats se lancent dans une rude bataille. À l’image de cette émission, en face du régime Andry Rajoelina, président de la République, les forces composant l’opposition se livrent dans de rudes concurrences. Les alliances comme le cas de la dernière conférence organisée par le groupe Panorama et le parti Malagasy tonga saina (MTS) de Roland Ratsiraka sont ainsi conjoncturelles. En effet, chaque participant conserve dans son sac le même objectif : conquérir le pouvoir.
Avec ses deux millions de voix obtenues à l’issue du deuxième tour de la présidentielle de 2018 et les 16 députés acquis après les législatives en 2019, Marc Ravalomanana est l’opposant « naturel » du régime actuel. Normalement, il devrait être le chef de l’opposition officiel. En effet, la Constitution dispose qu’après chaque élection législative, « les groupes politiques d’opposition désignent un chef de l’opposition. À défaut d’accord, le chef du groupe politique d’opposition ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés lors du vote est considéré comme chef de l’opposition officiel ». Dans cette optique, il a rempli une bonne partie des critères requis pour jouer le rôle de leader de l’opposition.
Toutefois, les tenants du pouvoir, dès la première session extraordinaire du nouveau mandat des députés en 2019 se sont empressés de modifier cette disposition constitutionnelle. Ainsi, une proposition de loi a été déposée par le vice-président de l’Assemblée nationale, Brunelle Razafitsiandraofa (voir article par ailleurs). Elle attribue les droits et prérogatives du leader de l’opposition à un député et circonscrit le champ d’action de l’opposition dans le cadre parlementaire. L’adoption de cette initiative a passé sans encombre à l’Assemblée nationale.
Au niveau du Sénat, la proposition de loi a été rejetée, car la quasi-totalité des membres de cette institution sont issus du parti HVM. Il a fallu attendre l’avènement des nouveaux locataires du Palais de verre en 2020 pour que la Haute cour constitutionnelle (HCC) puisse donner son avis. Sans surprise, elle a été jugée conforme à la Constitution. Les 16 députés élus sous la bannière du parti Tiako i Madagasikara (Tim) n’ont pas pu empêcher cette modification majeure de l’article 14 de la Loi fondamentale. Pour faire monter la pression, 21 partis politiques ont créé le 14 août 2019, soit quelques jours après la déposition de la proposition de la Loi Brunelle, le Rodoben’ny mpanohitra ho an’ny demokrasia eto Madagasikara (RMDM), groupement des partis d’opposition pour la démocratie à Madagascar. Cette plateforme se veut être « une structure opposante qui cherche ce qu’il y a de mieux pour le pays », comme ses membres l’ont présenté, et évidemment élit Marc Ravalomanana comme chef de l’opposition.
Le parti HVM, fondé à l’orée du quinquennat de Hery Rajaonarimampianina, a connu ses heures de gloire. Disposant près de 800 maires, le HVM a fait une razzia aux sénatoriales de 2016. Un avantage de taille après la défaite cuisante de son candidat dès le premier tour de la dernière présidentielle. En effet, disposant d’une majorité confortable au Sénat, le HVM a pu jouer son rôle de contre-pouvoir du moins jusqu’en décembre 2020. Un véritable bras de fer s’est engagé avec les tenants du pouvoir. L’adoption par voie d’ordonnance des Lois de finances des années 2019 et 2020 en est une illustration.
Absent lors des législatives et lors des communales de 2019, le parti HVM ne dispose plus d’élus : après la fin de mandat des sénateurs, le parti des « cravates bleues » présente des symptômes de déliquescence. Bon nombre de ses barons ont quitté le pays. D’autres, restés à Madagascar, se sont embourbés dans des affaires judiciaires. Par ailleurs, des dissensions internes ont miné la vie du parti. Certains opportunistes et mutants politiques ont même fait le tour des médias pour annoncer publiquement leur démission du parti HVM.
Malgré ces circonstances atténuantes, les membres inoxydables multiplient les initiatives pour recoller les morceaux. Le HVM a flirté avec la plateforme RMDM pendant une longue période. Ce serait un corollaire de la rencontre entre les anciens présidents Marc Ravalomanana et Hery Rajaonarimampianina à Paris en fin 2019. En septembre 2020, une série de réunions a regroupé une trentaine de partis politiques dont le Tim et le HVM à l’hôtel Panorama. L’objectif était de rejeter l’organisation des sénatoriales en décembre 2020. Des affinités se sont ainsi créées pour donner naissance à une plateforme de l’opposition baptisée « groupe Panorama ». Après une année d’existence, le groupe Panorama, sous la houlette du HVM, a décidé de tracer sa propre voie en quittant le RMDM. 17 partis politiques ont finalement décidé de rejoindre les rangs de cette plateforme. L’éventualité de se constituer en un front unique s’évanouit ainsi.
« Resy lava, bontolo, toujours afara », littéralement, « les éternels perdants, obstinés et toujours derrière » … Tels sont les qualificatifs attribués par les partisans du régime actuel à ceux qui les critiquent. Il n’est pas aisé de les désigner comme « opposition », car depuis quelques mois, l’opposition officielle doit se jouer dans un cadre parlementaire. En dehors du Parlement, l’opposition peine à se faire entendre. La quasi-totalité des patrons de presse à Madagascar évolue dans le giron du pouvoir. Il va de soi que les lignes éditoriales suivies par ces médias laissent peu de marge pour l’opposition. À travers une émission hebdomadaire diffusée sur la radio et la télévision nationale, l’opposition est régulièrement pilonnée par la porte-parole du gouvernement. Ainsi, elle est inaudible en dehors de l’agglomération d’Antananarivo d’autant que l’accès à la radio et la télévision nationale lui est refusé.
Pour pallier cette lacune, l’opposition extraparlementaire multiplie les initiatives pour tenir la tête hors de l’eau. Ainsi, les émissions « Miara-manonja », consacrées essentiellement à critiquer les actions du régime, ont été créées. L’usage du pluriel est de mise, car au tout début, le mouvement médiatique a été diffusé en simultané sur plusieurs chaînes radio et télévision. Mais depuis fin juillet 2021, une partie est animée par les députés Hanitra Razafimanantsoa, Fidèle Razara Pierre et l’ancien ministre de la communication, Vonison Andrianjato. Sur une autre fréquence, quelques députés du parti Tim sont rejoints par des animateurs du Malagasy broadcasting system (MBS). Toutefois, les deux émissions ont un dénominateur commun : elles ne peuvent plus être diffusées à travers les plateformes numériques ayant une couverture nationale. Suite à une décision ministérielle en février 2021, l’audimat de ces chaînes est limité dans un rayon réduit autour d’Antananarivo.
Du fait de la faible représentation des forces de l’opposition au sein du Parlement, mener des actions de contestation par voie institutionnelle est une gageure. L’opposition extraparlementaire patauge dans la division et la crise de leadership au grand bonheur de l’administration. Celle de la rue est systématiquement matée par le régime, d’autant que l’opinion publique se désintéresse de la politique. Ainsi, les réseaux sociaux constituent une aubaine pour l’opposition. Spontanés, accessibles et surtout lus par les tenants du pouvoir, ces canaux sont de puissantes caisses de résonance. Les critiques y sont systématiques et parfois, les débats sous-tendus par le fanatisme sont au ras des pâquerettes.
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La société civile s’intercale dans la relation entre gouvernants, opposition et citoyens. Elle défend fermement son rôle dans la société. Analyse.
Quels seraient les rôles de la société civile sur les échiquiers social et politique ? Réponses de Tsimihipa Andriamazavarivo.
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