Nouer des alliances stratégiques aussi bien dans la rue que sur les listes électorales. Tel est l’immense défi de l’opposition. La présentation d’un candidat unique lors de la prochaine présidentielle devrait encore passer par de nombreuses étapes.
Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. Ce proverbe africain devrait inspirer les partis de l’opposition malgaches qui sont tenaillés entre jouer une partition solo ou avancer en ordre groupé et faire taire les ego pour remporter la victoire.
Les diverses personnalités de l’opposition que nous avons rencontrées soulignent cette nécessité d’une union pour faire face à la vague Orange qui s’est déferlée lors des scrutins successifs ; sans pourtant renier les principes qui gouvernent leur parti, cependant. Ces dernières années, avec les appareils étatiques entièrement acquis à sa cause, le parti au pouvoir a fait un raz de marée face à des opposants apathiques et il ne semble pas s’arrêter en si bon chemin. « Disons les choses comme elles sont : les partis d’opposition sont encore malheureusement faibles et jouent un rôle peu conséquent, tacle un enseignant en sciences politiques. Pis, ils sont parfois utilisés comme de simples véhicules pour accéder à des postes ministériels ». Le développement des évènements politiques ne donne pas forcément tort à l’universitaire. La question est de savoir si les formations de l’opposition pourraient dépasser ce constat et présenter une candidature unique pour la prochaine présidentielle.
« L’unification de l’opposition à travers des grandes coalitions apparaît comme une stratégie efficace pour concurrencer l’élite dirigeante »1, suggère Issaka K. Souaré. Même si le débat apparaît sporadiquement dans le cercle de discussion des partis d’opposition, rien n’est encore fixé, même si l’ego des uns et des autres risques de déboucher, une nouvelle fois, sur une pelletée de candidatures en 2023. Pour l’instant, les différents mouvements et initiatives lancés, Dinike, Panorama, RMDM… ne rajoutent que de la cacophonie dans un paysage de l’opposition déjà très peu lisible et alimenté par des figures politiques, ayant trop souvent eu des connivences avec les régimes passés ou taxées d’opportunistes.
Dans le camp d’en face, l’on s’en frotte les mains. Malgré une situation économico-sociale très tendue, le bateau est encore à flot. Et le candidat orange pour la prochaine échéance électorale risque une nouvelle fois d’être élu en profitant de la cacophonie générale. La députée Lanto Rakotomanga, élue dans le deuxième arrondissement de la capitale, a déjà planté le décor. « Normalement, le président de la République devrait au moins travailler durant quatre mandats pour qu’il puisse continuer les chantiers qu’il a déjà entrepris. Madagascar sera comme Dubaï », a-t-elle avancé durant le débat Don-dresaka sur la station TV Plus Madagascar. Rien n’indique pour le moment que Andry Rajoelina ne va pas rempiler pour un (dernier) mandat, même si les signaux se sont faits discrets ces derniers temps à cause des multiples urgences que l’administration doit régulièrement gérer. « Je n’empêcherai la candidature de personne. C’est une compétition. Tout le monde peut se présenter », a-t-il tenté de rassurer lors de la rencontre avec la presse, le 7 janvier dernier.
La candidature unique sera la solution pour éviter l’éparpillement des voix. Lors de la dernière présidentielle, 36 candidats se sont présentés au starting block. Seuls Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina ont dépassé le seuil des 30%, aucun des concurrents n’a pu dépasser la barre symbolique des 10%. Ces candidatures éparses ont notamment eu raison de l’ancien Président, Hery Rajaonarimampianina. D’où la réflexion que veut mener le HVM. « Notre formation s’allie avec ceux qui s’opposent au régime actuel, tout en respectant le positionnement de chacun. Chaque parti politique garde son autonomie, bien qu’une certaine flexibilité soit aussi nécessaire. Quand il y aura 30% ou 40% d’idées communes, le parti est prêt à s’allier », note Rivo Rakotovao, son coordinateur national. Du côté du Tim, on est loin d’être catégorique. « Je suis sûr que le candidat proposé par le Tim sera soutenu par le RMDM mais le groupe Panorama peut avoir son propre candidat », avance Andriantsivoafetra Ralambozafimbololona Razafitsimialona, élu Tim dans le cinquième arrondissement de la capitale.
Après une large défaite aux élections législatives (10,6% pour l’opposition contre 55,6% pour la majorité présidentielle et 30,46% pour les indépendants), les municipales ont confirmé la mainmise des Orange avec la majorité des villes qui est tombée dans leur escarcelle, y compris l’emblématique capitale, Antananarivo, qui était pourtant aux mains du Tim auparavant.
Pour éviter une nouvelle déconvenue, l’enjeu pour l’opposition serait donc de faire bloc derrière un candidat unique qui a suffisamment de charisme, de poids politique, disposant d’une surface financière importante… ainsi que d’autres critères. Alors le spectre d’un candidat unique refait surface, cette question de son identité demeure centrale, à un an de la présidentielle.
Et pourtant, des exemples des voisins continentaux devraient inspirer l’opposition malgache. Sur le continent, elle a remporté quelques succès au cours de la dernière décennie. Des partis d’opposition ont créé la surprise en gagnant les élections présidentielles au Nigeria (2015) et en Gambie (2016). De quoi inspirer les formations malgaches, à condition que chacune mette de côté son ego. Ce qui est loin d’être une mince affaire.
En 2018, une enquête au long cours du New York Times avait révélé le rôle joué par la Russie lors de la dernière élection présidentielle, en 2018. Moscou aurait tenté d’influer sur le processus électoral en deux temps : en apportant son soutien au président sortant, Hery Rajaonarimampianina, avant de changer de braquet en faveur de son successeur, Andry Rajoelina. La campagne russe aurait revêtu de nombreuses formes, selon le journal : une campagne sur les réseaux sociaux et une incitation financière pour des « petits » candidats afin qu’ils se présentent pour diviser l’opposition. L’enquête du New York Times a finalement apporté des preuves sur ce que la coulisse du monde politique malgache a toujours tenté d’étouffer : les financements parfois occultes de la campagne électorale.
« Des communautés économiques vont même jusqu’à spéculer. Elles apportent leurs soutiens financiers sans distinction, mais en fonction des chances du candidat de remporter la victoire finale, nous confie le membre d’un parti politique, rompu aux joutes électorales. Bien entendu, ces financements ne sont jamais désintéressés. Ils attendent un retour d’ascenseur ». Notre source cite pêle-mêle entreprises, notables, communautés, diasporas…même des pays, comme la Russie en 2018, s’aventurent dans le financement des candidats. « Même si les opérateurs privés sont souvent frileux à l’idée de soutenir financièrement – et publiquement – des partis d’oppositions avant les élections », note-t-il.
Les différents retours d’expérience du processus électoral ont toujours déploré le vide juridique persistant en matière de financement et de dépenses de campagne : avant (durant la période dite « précampagne ») et pendant. « Aucune disposition n’encadre le plafonnement du financement de la campagne, ni n’interdit certaines sources de financement. Par ailleurs, les dépenses de campagne ne sont contrôlées que très tardivement dans le processus », avait alerté la mission d’observation électorale de l’Union européenne durant la présidentielle de 2018.
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