21.02.2022

L’insondable « président »

Il est toujours là malgré les années. Marc Ravalomanana souffle le chaud et le froid dans le paysage politique malgache. À la veille d’échéances décisives, il cristallise autant les attentions.

En 2021, Marc Ravalomanana a fait du Marc Ravalomanana : des piques, des provocations, des remarques acerbes et quelques conseils « éclairés », notamment dans la gestion de la crise sanitaire. Son dernier coup d’éclat en date ? « Le téléphérique (le projet de transport par câble, NDLR) n’est pas du tout adapté comme mode de transport. Il est plutôt utilisé pour les touristes. Et sûrement pas pour un usage au quotidien », pilonnait-il.

Show

À 72 ans, l’ancien homme fort du pays continue à souffler le chaud et le froid – comme durant ses plus belles années – sur l’arène politique malgache. Mais que veut-il réellement ? La question est légitime. L’on susurre qu’il serait « encore » partant pour 2023, mais un proche préfère botter en touche en notant qu’« il est un peu tôt pour s’exprimer ». Pour Fetra Ralambozafimbololona, député élu sous les couleurs du Tiako i Madagasikara (Tim) dans le cinquième arrondissement de la capitale, la question ne se pose pas et Marc Ravalomanana est le candidat naturel du parti. S’il se représentait en 2023, ce serait sûrement sa dernière chance de briguer la législature suprême. La question est de savoir comment peut-il réussir là où il a échoué en 2018 ?

Marc Ravalomanana est toujours adepte des théâtralités. Son dernier fait d’armes majeur remonte en novembre durant une conférence-débat initiée par le groupe Panorama (voir notre interview par ailleurs). Le Malagasy tonga saina (MTS), le Hery vaovao ho an’i Madagasikara (HVM), le Tim ainsi que d’autres partis politiques étaient de la partie avec respectivement l’ancien président de la République, Hery Rajaonarimampianina, qui est intervenu dans une vidéo. L’ancien locataire d’Iavoloha avait fait le show, particulièrement durant une séquence avec le député Roland Ratsiraka, avec lequel il entretient une relation tendue depuis des années. L’ancien Président l’ayant notamment jeté en prison alors qu’il était encore à la tête de la Commune urbaine de Toamasina. « C’est la raison pour laquelle vous ne m’aimiez pas. C’est l’application de la discipline, avait rétorqué Marc Ravalomanana lors de la conférence-débat. Il y avait un ministre qui en était chargé et je ne suis pas intervenu ». En guise de réponse, Roland Ratsiraka avait esquissé un « pas de rancune ». Par la suite, les deux personnalités ont procédé à une poignée de main. D’ailleurs, les nostalgiques insistent souvent sur cette notion de discipline qui serait son apanage. Pour Lanto Ratsida, un sociologue, le jeu auquel joue Marc Ravalomanana est trouble. « Je ne suis pas très bien (ses) agissements, mais il observe et se positionne sur les failles de cette Administration. Il tente également de se légitimer en tant qu’alternative. Certains évènements et le contexte actuel se présentent pour lui comme étant des opportunités politiques », analyse-t-il.

LA Loi Brunelle

Sur l’arène politique, Marc Ravalomanana pèse toujours autant. Il compte dans ses rangs la deuxième force parlementaire de la Chambre basse avec des lieutenants bien souvent en verve. Sa croisade pour briguer le siège du chef de l’opposition a échoué, même s’il aurait pu légitimement être consacré. Et la logique aurait voulu qu’il le soit. Mais par d’habiles manœuvres, la « Loi Brunelle », un amendement de la Loi sur l’opposition présenté par l’élu d’Ikongo, a consacré une opposition intra-parlementaire, loin des dispositions de 2011 qui avaient indiqué que le chef de l’opposition acquiert de droit le statut de député. Dans ce texte, seule l’opposition parlementaire a un statut officiel. Il y est, entre autres, prévu que le chef de l’opposition soit un député élu (voir article par ailleurs).  

Malgré cet échec, l’ancien homme fort du pays a encore beaucoup d’arguments à faire valoir : il a encore beaucoup de partisans et de médias à son service. Même si la couverture nationale de Malagasy broadcasting system (MBS) qu’a offerte les bouquets satellitaires– son principal groupe de médias qui a renaquis de ses cendres en 2018 – a été suspendue par une ordonnance judiciaire. « Actuellement, la volonté du ministère de la Communication de limiter l’accès des médias audiovisuels proches de l’opposition aux bouquets satellitaires inquiète plus d’un. Je considère cela comme une entrave à la liberté d’information et une tentative de discrimination puisqu’on est en train de priver le pluralisme à des millions de téléspectateurs des différentes régions de Madagascar », se désole le journaliste Joël Ralaivaohita1 sur ce sujet.

Ramdam

Pour pallier ces déconvenues, l’homme d’affaires mise beaucoup sur les nouveaux canaux de communication, comme les réseaux sociaux. « L’utilisation de moyens de communication innovants peut contribuer à doper le taux de participation. Chaque camp essaye de miser au maximum sur ces outils », détaille le sociologue dans ce sens. Paradoxalement, le ramdam que les partisans de l’administration actuelle mobilisent à chacune des sorties de Marc Ravalomanana le sert également. Il n’hésite pas à s’engouffrer dans la brèche, à la moindre occasion. 

Chez l’ancien chef d’État, tout est savamment calculé. Après avoir écumé les quatre coins de l’île et agité les responsables locaux de la sécurité, il a privilégié au début de l’année la tournée des salles de culte. La politique et la religion font toujours bon ménage chez lui. Même si la spontanéité fait partie de sa force (parfois de ses limites), le président national du parti Tiako i Madagasikara (Tim) a tout intérêt à fédérer une opposition autour de lui pour avancer en ordre groupé en 2023, qu’importe le candidat. Même si notre interlocuteur regrette que « Marc Ravalomanana n’arrive pas à rassembler autour de lui l’opposition ». Malgré une échéance très proche, les partisans de l’ancien Président ne veulent pas précipiter les choses. « Pour le moment, il se bat contre l’injustice dont souffre le peuple malgache », assure-t-on dans son entourage.

Son défi sera de reconquérir ces bassins électoraux qu’il a perdus aussi bien pour lui ou pour le poulain qu’il va présenter. « Nous avons beaucoup de partisans qui sont convaincus par notre approche. Ils ne sont pas intéressés par l’argent, mais ils sont animés par leur conviction. Nous sommes confiants, cependant, nous ne sous-estimons pas nos adversaires. Ils sont capables de tout »2, note le député Fetra Ralambozafimbololona. « 2023 sera un rendez-vous particulier pour le monde politique malgache », estime à ce propos Lanto Ratsida. Le président national du Tim reste un acteur incontournable de la scène politique, malgré ses agissements bien souvent insondables.

L'opposition: Le grand vide.

Avis de confidentialité des données

X Remarque : lorsque vous regardez la vidéo, des données sont transmises à Youtube/Google. Pour plus d'informations, voir le site Google Privacy.

Contact

Friedrich-Ebert-Stiftung
Madagascar

Villa Martrat, Ankadifotsy
Lot IVC 106 Ambatomitsangana
Antananarivo 101
Madagascar

+261 20 2234424
info(at)fes.mg

Notre équipe