TAFA 2023 : Se réapproprier le sens du dialogue et de la redevabilité
Les 21, 25 et 28 octobre derniers, les Organisations de la Société Civile ont organisé TAFA 2023*, un espace de dialogue avec les candidats aux élections présidentielles de 2023. 10 des 13 candidats ont répondu présents à l’invitation. Le candidat n°3, Andry Nirina Rajoelina, le candidat n°7, Andry Raobelina, et le n°13 Siteny Thierry Randrianasoloniaiko ont manqué cet exercice. Le premier n’a pas donné suite à l’invitation, le second étant hors du pays pour des raisons de santé et le troisième a dit ne pas pouvoir venir à cause d’un conflit d’agenda.
Face à la détérioration de la situation politique à Madagascar à quelques semaines du premier tour des élections présidentielles prévu se tenir au départ le 9 novembre, puis reporté pour le 16 novembre, les OSC ont décidé de nouer le dialogue avec les candidats, une occasion pour ces organisations de partager leurs préoccupations. Au cœur des discussions, un état des lieux de la situation actuelle mais aussi les perspectives qu’offrent les trajectoires choisies par les uns et les autres.
Les discussions se sont articulées autour de trois thématiques. Le premier thème : « Malagasy te-handroso, inona no laharampahamehana ? Les actions prioritaires pour un nouveau départ » a exploré les perspectives qui s’offrent au pays pour sortir de la crise qui entrave le processus électoral actuel. La vision d’un Madagascar prospère a été discutée autour du thème « Madagascar iriko : fandrosoana tahaka ny ahoana ? Pour le Madagascar que je veux, quel modèle de développement ? » et la question du leadership a été abordée autour du thème : « Filoham-pirenena vanona, manompo fa tsy tompoina. Le profil d’un dirigeant méritant : au service du peuple ».
Un appel au dialogue pour la co-construction
Le premier débat a vu la participation de trois candidats : le candidat n°2, Hajo Andrianainarivelo, ancien ministre de l’Aménagement du Territoire sous la présidence de Andry Rajoelina, le candidat n°4, Roland Ratsiraka, ancien ministre du Tourisme de Andry Rajoelina également et le candidat n°10, Hery Rajaonarimampianina, ancien Président de la République de Madagascar. Au-delà des revendications que partagent les candidats qui composent le collectif, les trois candidats lancent à l’unanimité un appel au dialogue à toutes les forces vives de la nation pour trouver une issue à la crise actuelle.
« Discussion », « dialogue », « table-ronde », « résoudre ensemble les problèmes » sont des termes récurrents tout au long de ce débat qui a duré plus de 2 heures. Des termes qui illustrent la volonté des protagonistes à s’engager dans un processus inclusif pour résoudre la crise actuelle. Interrogés sur l’éventuelle mise en place d’une transition, les candidats ont formulé des réponses qui convergent vers la nécessité d’une démarche qui doit aboutir à la co-construction.
« Une élection transparente, sans fraude et acceptée de tous » réclame le premier, « le respect de l’Etat de droit » rappelle le second, « rompre avec la culture de l’impunité » brandit le troisième. Des conditions nécessaires pour créer un climat propice à une citoyenneté responsable. Il s’agit avant tout de préserver la paix sociale et rétablir la confiance des citoyens par rapport au processus électoral sur le court terme, aux processus démocratiques sur le long terme.
L’humain au cœur du développement
La rencontre du 25 octobre 2023 se penche sur le modèle de développement qui sied à Madagascar et à laquelle ont participé trois candidats : le candidat n°1, Tahina Razafinjoelina, le candidat n°8, Brunelle Razafintsiandraofa et le candidat n°11, Sendrison Daniela Raderanirina. Ce dernier fait partie des trois candidats qui ont choisi de s’engager dans la campagne électorale avec les candidats n°3 et n°13. Une composition qui a apporté une nouvelle dynamique à ce débat qui a plutôt pris la forme d’une audition.
« Justice », « paix », « état de droit », « réconciliation nationale », « redevabilité » et « transparence » ont constitué les éléments discursifs de ce débat. L’attachement aux valeurs morales et éthiques s’est révélé au fil des échanges. Tandis que le candidat Razafinjoelina insiste sur la nécessité de faire triompher « ny rariny » (ce qui est juste), le candidat Razafintsiandraofa remet au goût du jour la notion de souveraineté nationale tandis que le candidat Raderanirina interpelle sur la nécessité de rester dans la légalité.
Un modèle de développement qui met le capital humain au cœur du processus, c’est ce qu’a avancé le candidat Tahina Razafinjoelina. Un parti pris qui oriente ainsi la vision d’un développement axé sur l’éducation et l’autonomisation des citoyens. Revaloriser le local est déterminant du point de vue de Brunelle Razafintsiandraofa. Un choix qui met le nationalisme au cœur du dispositif de développement. Pour le candidat Raderanirina, développement et identité sont liés. La relance du débat sur la nationalité reste cruciale ainsi que la redéfinition de la malgachéité.
Un leader au service des Malgaches
Le débat du 28 octobre s’intéresse au profil du Président méritant pour Madagascar et son peuple. Quatre candidats ont partagé leurs points de vue sur la question : le candidat n°5, Marc Ravalomanana, le candidat n°6, Paraina Auguste, le candidat n°9, Lalaina Ratsirahonana, et le candidat n°12, Jean-Jacques Jedidia Ratsietison. Un Président « valahara » (intègre et loyal), un Président « humble », un Président « modèle », un Président « qui a des compétences », telles sont les qualités requises pour le Président qui mérite de diriger Madagascar selon les quatre candidats.
Le discours prend un ton plus offensif et dénonciateur dans ce débat. « Discrédit », « hors-la-loi », « dictature », « partialité », « renforcer le mouvement » sont les termes relevés quand il s’agit de parler de la situation actuelle. Paraina Auguste brandit la nécessité de « se battre » face à « une fraude massive » en perspective. Marc Ravalomanana, quant à lui, dénonce l’illégalité des décisions prises au niveau des institutions. Jean-Jacques Ratsietison déplore l’autoritarisme qui prévaut tandis que Lalaina Ratsirahonana regrette le déni de la crise qui entrave le processus électoral actuel.
Quant au profil du Président de la République, les valeurs éthiques et morales ont été citées en premier par les candidats pour un Président méritant. Les compétences et les connaissances font aussi partie des conditions requises pour un Président performant. Le patriotisme et le sens du devoir envers le peuple pour un Président redevable. La notion de redevabilité a été au cœur de ce débat car elle a remis le pendule à l’heure quant au rapport que doivent entretenir les dirigeants et les citoyens.
*TAFA 2023 est une initiative des organisations de la société civile malgache, en faveur d’élections libres, pacifiques, respectueuses des lois, des droits humains et des principes démocratiques. Elle est déclinée en une série de rencontres entre les OSC et les candidats aux présidentiels, dans le cadre d’un dialogue ouvert.
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