Selon l’Institut national de la statistique (Instat) à Madagascar, le taux d’inflation moyen pour l’année 2021 devrait se situer aux alentours de 6,2%. D’après les prévisions de cet organe chargé des études statistiques nationales, cette tendance à la hausse du niveau de l’inflation devrait se poursuivre en 2022 pour se situer à plus de 7%.
À chaque début d’année, les Malgaches se demandent à quelle sauce inflationniste ils vont être mangés. L’inflation met à mal une population dont la vitesse d’augmentation du revenu est loin de suivre celle des prix des produits qui composent leur panier de consommation.
« La hausse des prix du riz, des Produits de première nécessité (PPN) et des produits alimentaires sont une réalité. Ils ont crû de 8,5% et de 8,4% respectivement », note l’Instat dans sa dernière note sur l’inflation parue en juillet 2021. Des variations qui étaient encore de l’ordre de 8% en juin. La note souligne d’ailleurs que l’inflation la plus forte enregistrée en cette période se situe dans le domaine de la santé. En effet, ce secteur enregistrait en juillet une inflation à deux chiffres : de 10% et de 11% en juin 2021. Malgré cette hausse continuelle des prix, prévue se poursuivre jusqu’en 2022, l’Instat avance une situation généralement maîtrisée.
« Nous pouvons distinguer deux types d’inflation : l’inflation par la demande et l’inflation par les coûts. Mais il y a aussi l’inflation selon la théorie de la valeur qui stipule que plus il y a de monnaie en circulation dans une économie, moins elle peut acheter le même bien. Il y a donc une dépréciation de la valeur de la monnaie », détaille Fidèle Randriamananjara, économiste du mouvement Rohy (organisation des citoyens pour la défense des intérêts et des biens communs).
La demande a commencé et continuera à rebondir. Une circonstance que le directeur général de l’Instat, Isaora Zefania Romalahy, qualifie de « normale ». Elle serait inhérente à la reprise de l’économie. « Les hypothèses selon lesquelles il s’agirait d’une inflation par la demande et celles estimant une inflation importée sont complémentaires. Il est toujours question de demande, car si nous n’avons pas les produits dont nous avons besoin au niveau local – c’est-à-dire les produits demandés – nous sommes dans l’obligation de les importer », soutient-il.
Pour l’Instat, cette inflation est typique d’une économie en pleine relance post-crise. « (Elle) est caractérisée par une situation normale marquée par le retour à la normale et de la relance post-crise de notre économie, où la demande a commencé à rebondir et continuera à bondir après s’être effondrée pendant les moments forts de la crise sanitaire déclenchée en mars 2020 », souligne l’institut. Ce dernier note qu’il y a de « forts ressentiments d’inflation observés au sein de l’opinion. L’inflation s’applique uniquement au niveau de quelques produits comme le riz et les médicaments, et parfois dans certaines localités, mais pas de façon élargie ».
L’économiste Falihery Ramakavelo avance que « l’inflation qu’on observe à présent est surtout due à l’augmentation du fret maritime ». Ce dernier est « ébranlé avec l’accumulation des conteneurs qui ne peuvent repartir, faute de cargaison, dans les ports importateurs »1, détaille L’Antenne, la plateforme française dédiée au secteur du transport et de la logistique. « La situation vécue actuellement par la population malgache désigne surtout une inflation à facteurs externes dominants ou inflation importée. Elle est due au fait que Madagascar importe presque tous les produits dont sa population a besoin alors que les prix des PPN et des matières premières sont fixés suivant le marché international », continue Falihery Ramakavelo. Or, le marché d’approvisionnement mondial connaît la crise présentement. « La chaîne d’approvisionnement mondiale (sera) durablement touchée par la crise sanitaire », prévient L’Antenne.
Si l’Instat parle d’une situation normale, maîtrisée et d’un « ressentiment d’inflation », il n’en demeure pas moins que les consommateurs malgaches se retrouvent dans l’impasse face à un niveau trop élevé des prix des PPN, notamment du riz. Ces prix dépendent de nombreux facteurs, tels que la valeur de l’ariary par rapport aux monnaies étrangères, les importations « incompressibles » comme le riz ou les carburants, et surtout l’influence du ralentissement de l’économie mondiale. Les effets de ces phénomènes impactent la stabilité de la monnaie locale et font fluctuer le prix des biens de consommation, essentiellement ceux qui sont qualifiés de première nécessité.
« Le pouvoir d’achat se dégrade et la majorité de la population se trouve enclavée dans la classe sociale très pauvre, gagnant moins de 1,5 dollar (environ 5 900 ariary, NDLR) par jour. L’augmentation du coût de la vie contraint les ménages à réduire la quantité et même la qualité des biens et des services qu’ils ont l’habitude de se procurer, étaye Fidèle Randriamananjara. Les consommateurs – assimilés comme agents rationnels – anticipent la diminution de leur pouvoir d’achat et vont de ce fait anticiper les prix, les habitudes de consommation. Ce, dans le but de se protéger contre les éventuelles dépenses inattendues. Les ménages préfèrent alors épargner et ne consommeront que les besoins essentiels dans leur quotidien ». Ce qui s’apparenterait à un déclin de la qualité et du niveau de vie de la grande majorité de la population dans le sens d’une paupérisation généralisée.
Pour remédier à l’inflation et ses impacts sur le quotidien des ménages malgaches, il n’y a pas de miracles. « Il est primordial de promouvoir la production locale, de construire des routes, de produire les PPN, d’extraire notre pétrole pour éviter la dépendance envers l’extérieur… », suggère Falihery Ramakavelo. Tiana Rabarison, président du Fikambanana miaro ny zon’ny mpanjifa Malagasy (Fimzompam), militant pour la défense des consommateurs, soutient que le faible pouvoir d’achat des ménages malgaches ne permettra pas de promouvoir cette branche de production locale, même si les industries sur place peuvent épargner le pays des opérations d’importation massive de produits les plus consommés, comme l’huile et les pâtes alimentaires.
L’Instat estime que la situation aurait pu être pire, mais l’État a su prendre des mesures pour contenir l’inflation. L’institut parle notamment du maintien des prix du carburant à un prix inchangé depuis sa dernière révision de juin 2019, de l’importation de vary tsinjo ou de la mise en vente sur le marché de riz subventionné (vary mora). De son côté, la Banky foiben’i Madagasikara a pris la décision d’ajuster ses taux d’intérêt pour les opérations bancaires. L’autorité monétaire avait décidé de relever le taux des facilités de dépôt pour éviter l’accroissement excessif des instruments de paiement. Celui-ci pouvant entraîner la hausse des prix ou la dépréciation de la monnaie locale.
Le maintien du taux des facilités de prêt marginal à 7,20% a permis de favoriser davantage les activités de crédit. Certes, ces mesures sont conjoncturelles, mais auraient aidé, selon l’Instat, « à ralentir et atténuer la hausse et à stabiliser les effets d’entraînement du prix du riz sur l’inflation en général », sachant que le prix du riz représente 60,5% du taux global.
À court terme, Falihery Ramakavelo avance l’option de la subvention pour soulager un peu plus la bourse des ménages. « L’État pourrait emprunter pour pouvoir subventionner les ménages, les entreprises et au moins les matières premières et l’énergie », avance-t-il. L’économiste Holimalala Randriamanampisoa abonde dans ce sens. « Au regard des expériences de plusieurs pays, les subventions pourraient être plus efficaces que la fixation des prix. Sur le court terme, elle ne touche pas les prix qui devraient se former librement suivant la loi du marché. De plus, l’État intervient en amont, ce qui permet de maintenir les activités des entreprises locales et donc de maintenir l’emploi. Ce qui, à mon avis, est plus viable que de fixer des prix plafonds. » Une autre piste serait de promouvoir l’exportation afin « d’augmenter notre réserve de devises et ainsi renforcer l’ariary », défend Falihery Ramakavelo.
Une autre solution avancée par l’économiste, et qui pourrait être envisageable sur le moyen-long terme, serait l’exportation d’or et d’autres produits miniers. « Nous pourrions améliorer le taux de change, tout en créant des emplois : créer des banques d’investissement et suivre ainsi l’exemple du New Deal aux États-Unis, rendre effective la décentralisation. Beaucoup reste à faire à Madagascar », avance-t-il. Du point de vue structurel, la décentralisation pourrait être la clé de la relance économique. Une vraie décentralisation qui consisterait en un « transfert de pouvoir de décisions aux régions, aux districts, aux communes et aux fokontany », continue notre interlocuteur.Si nous avançons dans la vision de l’État par rapport à la mise en place des One district one factory (Odof), il serait fondamental, selon notre interlocuteur, que ces districts – voire ces fokontany – « aient la latitude pour créer leurs propres industries. Là, ce sera One fokontany, One factory pour les près de 17 000 fokontany », conclut-il. Mais faudrait-il déjà que l’État ait cette perspective étendue. « Même la vision du pays sur le long terme n’est pas bien établie. Elle n’est pas écrite », regrette Isaora Zefania Romalahy, directeur général de l’Instat, en faisant référence à l’actuelle absence de politique nationale. « Tout le monde est dans l’attente du Plan émergence Madagascar. Notre plan de développement n’est pas structuré alors que nous ne pouvons pas parler du long terme sans références », témoigne-t-il.
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